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Vers une disparition inéluctable des récifs coralliens ?

par Atlasocio.com | Publié le 02/11/2016

 

Abritant plus de 4 000 espèces de poissons et 800 types de coraux, les récifs coralliens sont d’un apport environnemental inestimable. Malheureusement, ils sont aujourd’hui confrontés à de multiples menaces.

Carte du monde par vulnérabilité des récifs coralliens. © Atlasocio.com

Les récifs coralliens : une biodiversité menacée

À l’échelle mondiale, les récifs coralliens se répartissent sur plus de 700 000 km² dans plus d’une centaine de pays, majoritairement en voie de développement. Au niveau local, un kilomètre carré de récifs contient plus d’espèces que n’en compte l’ensemble du littoral européen. Mais, au-delà de leur richesse en termes de biodiversité, les récifs apportent un développement économique (pêche professionnelle, aquaculture, perliculture, ornementation, médecine, atout touristique etc.) ainsi que des valeurs non marchandes inestimables (nourriture, protection naturelle des côtes, épuration des bassins etc.). Les quatre plus grands récifs coralliens au monde sont situés en Australie, en Nouvelle-Calédonie, au Belize et aux États-Unis (Parc national de Dry Tortugas, Floride).

En 2008, le réseau d’observation mondial des récifs coralliens (GCRMN) indiquait que 19% des récifs étaient déjà morts et 54% menacés, dont 15% très gravement. Les dégradations anthropiques majeures sont liées à la pression démographique et à l’urbanisation. En effet, la surpopulation du littoral n’est pas étrangère au phénomène : en 2012 environ 850 millions de personnes vivent à une distance de moins de 100 km des récifs coralliens, dont 275 millions à proximité directe (c’est-à-dire, à moins de 30 km des récifs et moins de 10 km de la côte). Les conséquences directes sont notamment la surexploitation des ressources et l’accroissement des pollutions telluriques défavorables aux communautés coralliennes. Résultat : plus de 60% des récifs dans le monde se trouvent sous la menace directe de la surpêche et du développement côtier. Autre menace, celle du très lucratif commerce corallien : 800 euros pour un kilogramme de corail, et plus de 1 500 euros pour une branche. Et, au Japon comme aux États-Unis, la demande est forte. A cela s’ajoute l’aspiration du sable par d’immenses bateaux-dragueurs qui appauvrit les coraux, et donc l’ensemble de l’écosystème environnant.

▶ LIRE :  Quand les plages de sable risquent de disparaître

Les dégradations naturelles liées à la hausse des températures des océans concourent également à la disparition progressive des récifs. Publié en 2012 et s’appuyant sur le rapport fondateur de 1998, le Reefs at Risk Revisited [1] met en exergue le fait que le changement climatique est tout autant nocif que la surpêche ou le développement côtier : chaque jour, l’Humanité décharge 90 millions de tonnes de pollution carbone à travers la couche atmosphérique, dont environ un tiers va dans l’océan.

À ce rythme, le World Resources Institute (WRI) prédit « qu’aucun récif ou presque ne sera encore classé comme étant faiblement menacé, et seulement un quart d’entre eux seront menacé à niveau moyen. Les 75% restants seront exposés à un niveau de menace élevé, très élevé ou critique. Seules des petites zones récifales en Australie et dans le Pacifique Sud resteront exposées à une menace de niveau faible. »


Statuts et menaces pesant sur les récifs par régions du monde [2]

L’Asie du Sud-Est comprend les récifs les plus vastes et bio-diversifiés au monde avec environ 28% du total mondial. Cependant, près de 95% des récifs sont menacés, dont 50% à des niveaux élevé et très élevé. La surpêche, mais aussi les pratiques de la pêche aux explosifs et au poison [3], sans oublier la pollution des bassins versants et le développement côtier ont des effets dévastateurs sur les récifs coralliens. De ce fait, plus de 85% des récifs du Triangle asiatique (Indonésie, Malaisie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Philippines, Îles Salomon et Timor oriental) sont menacés par les activités humaines.

La région Pacifique (exceptés les pays d’Amérique) abrite un peu plus du quart des récifs coralliens, où environ 7,5 millions de personnes vivent sur la côte, soit 50% la population totale de la région. Paradoxalement, si les récifs et atolls les plus isolées des archipels de Polynésie française, de Micronésie, d’Hawaï (États-Unis), et des Îles Marshall sont les mieux préservés, les menaces locales pesant autour des îles les plus peuplées de ces mêmes territoires sont les plus élevées de la région (développement côtier, surpêche et rejets d’origine terrestre).

Premier État au monde par la superficie récifale (17% du total de la planète), l’Australie est considérée par le WRI comme une région récifale à elle seule. Meilleure élève régionale au plan mondial, l’Australie possède le plus faible pourcentage de récifs menacés, dont la majeure partie se situe dans la célèbre Grande Barrière de Corail, au nord-est du pays. Cependant, même la Grande Barrière a enregistré un déclin de 50% de ses coraux en un demi-siècle.

Régions du monde par superficie récifale avec menace intégrée

Source : “Reefs at Risk Revisited”, World Resources Institute, 2012.
Rang Région Superficie récifale en Km²
(% mondial)
Menace faible (%) Menace moyenne (%) Menace élevée (%) Menace très élevée (%)
© Atlasocio.com
1 Asie du Sud-Est 69 637 (28%) 6 47 28 20
2 Pacifique 65 972 (26%) 52 28 15 5
3 Australie 42 315 (17%) 86 13 1 0
4 Océan Indien 31 543 (13%) 34 32 21 13
5 Atlantique/Caraïbes 25 849 (10%) 25 44 18 13
6 Moyen-Orient 14 399 (6%) 35 44 13 8
MONDE 249 713 39 34 17 10
La région Australie comprend les territoires australiens des Îles Christmas et des Îles Cocos/Keeling ; ne sont pas inclus dans l’Australie de la section « Pays clés ».

L’Océan Indien regroupe plus de 13% des récifs coralliens dans le monde, où près de 35% d’entre eux sont menacés de disparition à un niveau élevé ou très élevé. La surpêche, mais également la pollution et le développement côtier font augmenter chaque année encore un peu plus les pressions exercées sur les récifs du bassin de l’Océan Indien. Les rives les plus menacées sont celles de Tanzanie, du Mozambique ou bien encore de Madagascar. Fort heureusement, les plus grandes formations récifales de la région (Maldives, Seychelles, archipel des Chagos) sont les moins menacées.

Dans plus de vingt pays ou territoires de la zone des Caraïbes, notamment la Floride (États-Unis), Haïti, la République dominicaine et la Jamaïque, la totalité des récifs est considérée par le WRI comme gravement menacée. Et, selon l’océanographe au Smithsonian Institution (États-Unis) Jeremy Jackson, 75 à 85% de la surface occupée par les coraux a été perdue ces 35 dernières années aux Caraïbes[4]. Seul « point positif » : les plus grandes formations récifales de la région (Bahamas, Mexique et Nicaragua) sont menacées à un niveau faible.

Le Moyen-Orient abrite environ 6% des récifs coralliens de la planète, et près de 19 millions de personnes vivent sur le littoral à moins de 30 km d’un récif. Les menaces locales pèsent sur 65% des récifs, dont plus de 20% d’entre eux à un niveau élevé. Cette pression sur les récifs est la plus élevée dans le Golfe persique, et s’explique par une forte pollution engendrée par le trafic maritime et le développement des installations pétrolières et gazières offshore. Le WRI note que plus de 95% des récifs sont menacés dans les États suivants : Bahreïn, Djibouti, Iran, Koweït, Qatar et Yémen.


Statuts et menaces pesant sur les récifs par principaux États et territoires du monde

Des 27 États et territoires les plus vulnérables à la dégradation et à la perte des récifs coralliens, 19 (soit 70%) sont des petites nations insulaires. Selon le WRI les neuf États les plus vulnérables aux effets de la dégradation des récifs coralliens sont: Haïti, Grenade, Philippines, Comores, Vanuatu, Tanzanie, Kiribati, Fidji, et Indonésie. Les récifs dans ces pays subissent de très fortes menaces et les populations côtières, fortement tributaires des récifs, sont peu aptes à s’adapter à leur disparition.

Principaux États et territoires par superficie récifale avec menace intégrée

Source : “Reefs at Risk Revisited”, World Resources Institute, 2012.
Rang État ou territoire Superficie récifale en Km²
(% mondial)
Menace faible (%) Menace moyenne (%) Menace élevée (%) Menace très élevée (%)
© Atlasocio.com
1 Australie 41 942 (17%) 86 13 1 0
2 Indonésie 39 538 (16%) 9 53 25 12
3 Philippines 22 484 (9%) 2 30 34 34
4 Papouasie-Nouvelle-Guinée 14 535 (6%) 45 26 22 7
5 Nouvelle-Calédonie (France) 7 450 (3%) 63 30 6 0
6 Îles Salomon 6 743 (3%) 29 42 24 6
7 Fidji 6 704 (3%) 34 34 2 10
8 Polynésie française (France) 5 981 (2%) 76 15 7 2
9 Maldives 5 281 (2%) 62 33 4 1
10 Arabie saoudite 5 273 (2%) 39 44 11 6
11 Etats fédérés de Micronésie 4 925 (2%) 70 23 6 1
12 Cuba 4 920 (2%) 5 71 14 10
13 Bahamas 4 081 (2%) 40 52 6 2
14 Madagascar 3 934 (2%) 13 35 34 18
15 Hawaï (États-Unis) 3 834 (2%) 83 3 6 9
La région Australie comprend les territoires australiens des Îles Christmas et des Îles Cocos/Keeling ; ne sont pas inclus dans l’Australie de la section « Pays clés ».

Pour ce qui est du cas de l’Hexagone, la France gère 10% des récifs coralliens mondiaux (4ème rang), répartis au sein des huit collectivités d’outre-mer tropicales dans les trois océans de la planète : Guadeloupe, Martinique, Mayotte, Réunion, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis et Futuna et les îles éparses de l’Océan Indien. 95% des récifs coralliens français sont situés dans l’Océan Pacifique (Nouvelle-Calédonie et Polynésie française, cf. tableau ci-dessus). Selon le Ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, un cinquième des atolls du monde sont situés en Polynésie Française, tandis que la barrière récifale de Nouvelle-Calédonie est la seconde au monde en longueur développée. L’état de santé des récifs français est généralement considéré comme « bon ».

La communauté scientifique estime qu'une action globale sur le climat, doublée d'une préservation locale permettraient de ralentir le déclin des récifs. L’année internationale des récifs coralliens, célébrée en 1997, a permis l’émergence de nombreuses initiatives et concertations, comme par exemple le Symposium international sur les récifs coralliens qui réunit tous les quatre ans des scientifiques de plus de 80 pays (ils étaient plus de 2 600 océanographes à Cairns en Australie pour l’édition 2012). Cependant, près de vingt ans plus tard, aucune réelle coordination internationale n’a vu le jour afin d’assurer la survie des récifs coralliens.


Notes et références

  1. [1] Publié en 2012, le Reefs at Risk Revisited est un projet du World Resources Institute (WRI) conçu et mis en œuvre en étroite collaboration avec The Nature Conservancy, le WorldFish Center, l’International Coral Reef Action Network, le Centre Mondial de Surveillance de la Conservation de la Nature du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (UNEP-WCMC), et le Global Coral Reef Monitoring Network (GCRMN). De nombreuses autres agences gouvernementales, organismes internationaux, instituts de recherche, universités, organisations non gouvernementales et initiatives ont apporté un appui scientifique, fourni des données et analysé des résultats.
  2. [2] Les régions récifales sont définies selon le découpage opéré par le WRI, ce qui explique par exemple que Djibouti est ici rattaché à la région "Moyen-Orient".
  3. [3] Bien qu’illégale dans plusieurs pays, la pêche aux explosifs (ou dynamite) pour tuer ou assommer les poissons est principalement pratiquée en Asie du Sud-Est, et en forte augmentation en Afrique de l’Est et dans certaines parties du Pacifique Ouest. La pêche au poison consiste à utiliser du cyanure pour assommer et capturer les poissons récifaux vivants, un marché très lucratif.
  4. [4] Symposium international sur les récifs coralliens (ICRS), Cairns, Australie, 2012.