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par Atlasocio.com | Publié le 19/10/2015 • Mis à jour le 15/10/2016
Erosion naturelle et activité humaine en pleine croissance menacent le sable dans le monde, au point de le faire disparaître de certains littoraux. Une véritable catastrophe environnementale.
Actuellement, 75 à 90% des plages du monde reculent. © Dave Lonsdale
Ces dernières années, l’extraction de sable est telle que dans de nombreux pays les terres du littoral sont menacées de salinisation, les berges des fleuves et les mangroves sont détruites, affectant également les récifs coralliens [1].
▶ LIRE : Vers une disparition inéluctable des récifs coralliens?
Les granulats (sables, fines, gravillons, cailloux et graves) représentent 70% des composants de fabrication du béton de ciment, faisant du sable la matière première pour tous types de constructions (immeubles, routes, parkings).
La résistance du béton dépend des caractéristiques des granulats, et donc du sable utilisé. Les tests relatifs aux contraintes mécaniques et physico-chimiques excluent l’utilisation du sable des déserts pour les constructions. Parallèlement, les besoins du BTP, en augmentation constante, sont sur le point d’épuiser les dernières carrières existantes. C'est la raison pour laquelle les constructeurs se rabattent sur le sable des plages, car compatible avec les exigences liées à la fabrication du béton de ciment.
L'extraction illégale de sable représente une véritable fortune et, aux quatre coins du globe, les trafics s’organisent, parfois avec la complicité des politiques. C’est le cas notamment de Singapour, où les vendeurs de sable négocient au travers de sociétés fictives [2]. La cité Etat importerait illégalement du sable en provenance des pays voisins (Cambodge,Viêt Nam, Malaisie et Indonésie) qui tentent tant bien que mal de stopper le trafic. En Inde, le secteur de la construction est entièrement soumis à la mafia qui corrompt l’administration et emploie des milliers d’ouvriers. Ce sont près de 2 milliards de tonnes de sable qui seraient chaque année extraites illégalement des rivières et du littoral indien afin de répondre à la demande de la construction. Au Maroc, ce marché informel pousse des adolescents au service de contrebandiers à enlever toute trace de sable, transformant le littoral en un véritable paysage lunaire. L’Algérie, bien que moins touchée que son voisin par ce phénomène, subit les activités d’une mafia du sable particulièrement active aux alentours de la ville d’Oran [3].
Carte du monde par indice de performance environnementale. Cet indice vise à évaluer les réussites/échecs des politiques environnementales. © Atlasocio.com
Et enquêter sur les connivences entre les pouvoirs politiques et la mafia n'est pas sans risque, comme en témoigne le journaliste et réalisateur du reportage « Le sable - Enquête sur une disparition » Denis Delestrac :
«Nous avons subi des menaces de mort au Maroc de la part de la mafia du sable, nous sommes partis du pays plus tôt que prévu pour éviter un incident diplomatique. Sur place, les autorités couvrent la mafia du sable et nous ont demandé assez fermement de quitter le pays et au plus vite! Nous avons eu aussi des difficultés en Inde, où la mafia a assassiné un officiel au premier jour de tournage : cela a eu pour effet de paralyser toute l'activité dans le pays et nous a obligé à y retourner quelques mois plus tard pour finir notre travail. Notre équipe a été ensuite surveillée et nos téléphones mis sur écoute à Singapour ; là-bas, la censure est très forte et elle déteste qu'on critique ses méthodes et qu'on parle de sa consommation de sable» [4].
Le marché frauduleux du sable n'engendre pas seulement une catastrophe environnementale sans précédent, mais fragilise aussi les constructions. Le sable étant souvent mal rincé, et donc non débarrassé du sodium présent dans la mer, le béton de ciment devient plus vulnérable à la corrosion.
Selon le professeur Gary Griggs, directeur de l'Institute of Marine Sciences and Long Marine Laboratory de l'université de Santa Cruz (Californie), « entre 75 et 90% des plages du monde reculent », d’où l’urgence de proposer des solutions alternatives. Sont notamment évoqués en termes de matériaux de construction : la paille, le recyclage de l’acier des voitures ou des anciens édifices, le sable issu du verre des bouteilles recyclées.
Carte du monde des principaux barrages et réservoirs en 2013. © WikideVega et Atlasocio.com
Autre solution, celle d’ouvrir les barrages hydrauliques qui empêchent le sable des rivières de rejoindre le littoral. En 2013, on en dénombrait plus 845 000 à travers le monde.