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Atlasocio.com | Publié le 03/09/2015 • Mis à jour le 03/12/2017
Par Guilhèm Moreau
Avec le développement mondial des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), de nouveaux mots apparaissent. C'est le cas notamment du terme de « glocalisation ».
À l'origine, le sens de glocalisation provient du mot japonais Dochakuka [1], un concept qui se réfère aux techniques agricoles pour cultiver la terre en s'adaptant aux conditions locales. Ce terme est ensuite employé par les hommes d'affaires japonais dans leurs stratégies marketing durant les années 1980, avant d'être repris par le milieu du business anglo-saxon et retranscrit sous la forme de « glocalization », soit la contraction de globalization et de localization.
En effet, la dématérialisation de l'économie accentue une organisation marchande plus que jamais tributaire de réseaux de communication devenus désormais incontournables, telles que les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), et plus généralement d'Internet. Cette logique économique, née du tiraillement entre le « global » et le « local », part d'un questionnement très pragmatique : comment adapter à l'échelle mondiale la vente de produits, soumis à un niveau plus ou moins élevé de standardisation industrielle tout en étant destinés aux milliers de particularismes socioculturels locaux et leurs millions de consommateurs potentiels ? La glocalisation équivaut donc à faire du micromarketing selon une conception globale de distribution puisqu'elle vise l'intégration des marchés locaux au marché mondial.
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Cependant, le principe de glocalisation concerne également des réalités sociétales contemporaines pas forcément liées au secteur économique. En sciences humaines et sociales, ce néologisme est introduit par le sociologue Roland Robertson au sein d'un chapitre de l'ouvrage Global Modernities, paru en 1995 [2]. Pour Robertson, il s’agit d’un processus permettant de prendre en compte le phénomène de globalisation tout en intégrant à l'analyse la réalité socioculturelle locale, soit une sorte de « globalisation qui se donne des limites, qui doit s’adapter aux réalités locales, plutôt que de les ignorer ou les écraser » [3]. Ainsi, la glocalisation peut aussi bien s'appliquer à l'aspect matériel (produits, biens de consommation...) qu'à l'aspect immatériel (pensées philosophiques, idéologies politiques ou religieuses...).
Définition du terme « glocalisation » :
« La Glocalisation désigne, dans un contexte globalisé, l'adaptation spécifique d'un produit, d'un service ou d'une idéologie à chacun des marchés dits “locaux” où il/elle est vendu(e) et/ou destiné(e) ; soit à autant de particularismes socioculturels – majoritaires ou non au sein d'un territoire donné – auxquels il/elle est susceptible de s'adresser. »
[Définition Atlasocio.com].
Sémantiquement, le terme de « glocalisation » est apparu car la globalisation pose plusieurs problèmes :
▶ L’un d’entre eux concerne la place des cultures minoritaires. Selon Naila Amrous, les TIC peuvent servir de nouveaux moyens d’expression, car « ce n'est pas le système technique lui-même qui fait du réseau un lieu de vie, mais ceux qui créent et produisent des contenus » [4]. S'organise alors sur Internet une véritable résistance socioculturelle. Ainsi, au Brésil, le chef indien Almir Surui utilise les technologies les plus modernes pour lutter contre la déforestation de l'Amazonie : partenariat avec Google Earth et commercialisation des crédits carbone [5]. Pour le cas de la France, la multiplication ces dernières années des sites en langues minoritaires (alsacien, basque, breton, catalan, corse, occitan, etc.), paradoxalement stigmatisées pour leur prétendue inutilité en termes de débouchés commerciaux « modernes », ne fait que confirmer cette tendance.
▶ Un autre, comme évoqué précédemment, se rapporte à l’économie. Là aussi, les TIC, selon l’Unesco, peuvent être déployées afin de développer les capacités d’adaptation des populations et notamment par le biais de la formation [6].
▶ Le dernier, certainement le plus complexe, a trait à la diversité des idées. Certains chercheurs constatent que « paradoxalement, la globalisation de l’information accentue la dynamique de glocalisation », permettant « à des idées qui n’auraient autrement jamais été reprises par les médias institutionnalisés de s’immiscer, plus ou moins durablement, dans l’espace public » [7]. C'est le cas des fameuses théories du complot, très présentes sur Internet et encore bien mal définies par les sciences humaines [8].
Carte du monde : accès à Internet par État et territoire (en % de la population). © Atlasocio.com
Pour Anna Dimitrova, diplômée de l'Institut européen des hautes études internationales (IEHEI) de l'université Nice Sophia Antipolis et docteur en sociologie, « il vaut mieux considérer la dialectique entre le local et le global comme un jeu perpétuel entre deux composants interconnectés et interdépendants. Une telle dialectisation, faisant contrepoids au modèle néolibéral de la mondialisation, prouve qu’il n’existe pas de fossé entre le local et le global et qu’il faut toujours les percevoir comme intrinsèquement liés » [9]. Une analyse confirmée par les résultats d'une étude, menée conjointement par l’Université de Pennsylvanie et le centre de recherche Pew Internet Project, qui démontre que les réseaux sociaux participent activement au processus de glocalisation :
« Les courriers électroniques, les réseaux sociaux et les messageries instantanées promeuvent la "glocalisation" - autrement dit, ils sont autant utilisés pour maintenir des relations de proximité [locales], que des relations à distance [globales] » [10].
Guilhèm Moreau Directeur de publication
Guilhèm Moreau est diplômé en sociologie de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales de Paris, et diplômé en sciences de l'Éducation de l'université Sorbonne Paris Cité. Il a été éducateur spécialisé et coordinateur socioculturel avant de fonder le site Atlasocio.com